Saturday, July 08, 2006

Déchirure (II)


Me voici, une autre vendredi, comme tous les vendredis depuis une année déjà, plus ou moins à la même heure, environ de minuit. J'entre, salue avec un légère geste de la main et m'assieds toujours en la même place, la table du fond proche du haute-parleur.
Guy me demanda une fois, quand il avait déjà fait confiance, pourquoi je choissais cette place et pas d'autre, je lui répondis quelque chose sur garder mes arrières -c'est une chose que j'ai essayé de faire toujours avec peu de succés- et aussi pour essayer arrêter mes pensées en écoutant la musique - je crois l'avoir dit d'une façon plus nette mais avec ce sens-. Le vrai c'est que la proximité du haute-parleur provoque des vibrations plus fortes qui agissent comme une massage cérébral au même temps que le premier plan de la musique met en sourdine mes pensées plus obsessives en se devenant alors plus sensitives, plus mélodieux, plus vifs...

Je n'ai plus besoin de demander mon consommation, Guy, mon bon ami anglais me sert le whisky comme d'habitude et après il met Small Change dans l'appareil de musique. C'est un CD de Tom Waits avec une grande signification pour moi. L'un de ses tracks est Tom Traubert's Blues (ou ce qui est la même chose, Waltzing Mathilda), une chanson bouleversante qui parle de désespoir mais d'une manière stoïcienne, pas resignée mais assumée; une interprétation étonnante de Tom Waits fait le reste.

Cette mélodie est comme un pont qui me méne vers Elle, un pont construit avec des nuits de poèmes et insomnie, de flamme et ivresse, un pont fait de fulgurances sur une voix obscure et brisée.

Douce déchirure, lancinante caresse, sensations paradoxales peuplées de yeux marrons à l'intensité des trous noirs.

Tourbillon d'envies teintes de blues.

Si maintenant Elle me demandait qu'est ce que le Blues, je le pourrai répondre: "le blues est la couleur de votre absence". Et effectivement, la déchirure s'habille de Blues.

Mon bon ami Guy me sert un second verre de whisky, ébauche un sourire complice et se retire au comptoir.
Le concert commence.
Aujourd'hui joue un vieux bluesman de New Orleans.
Les lumières s'éteignent, mes pensées s'allument...

(extrait de Félifictions)

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