Saturday, June 09, 2007

Confessions

Deux morceaux du livre de Michel Leiris L'âge d'homme. Avec sa prose élegante et sa pénétration des choses et des mouvements de l'âme il arrive à exprimer -et à expliquer- ces petites élans quotidiens qui nous poussent à agir.
Toute ressemblance avec des faits ou des personnes ayant réellement existé -c'est-à-dire, moi par exemple- n'est pas pure coïncidence.
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"Je porte dans mes doigts le fard dont je couvre ma vie. Tissu d'évenements sans importance, je te colore grâce à la magie de mon point de vue." (...) "Un verre d'alcool vidé d'un trait me hausse au niveau des grands ivrognes de Dostoïevski. Et quand je serai saoul je ferai ma confession générale, en omettant bien entendu de dire comment, pour ignorer la banalité de ma vie, je m'imposse de ne la regarder qu'à travers la lunette du sublime. Je ne suis ni plus ni moins pur qu'un autre, mais je veux me voir pur; je préfère cela à me voir impur, car pour arriver à une certaine intensité dans l'impureté il faut dépenser trop de forces. Et je suis foncièrement paresseux." (...)
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(Noté dans un journal intime, en 1924)
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(...) Je m'adresse ici à cette femme uniquement parce qu'elle est absente (à qui écrirait-on sinon à une personne absente?). De par son eloignement, elle se confonde avec ma nostalgie, s'insinue entre moi et la plupart de mes pensées. Il n'est pas question, certes, qu'elle soit objet aimé, seulement substance de mélancolie, l'image -fortuite peut-être mais cependant apropriée- de tout ce qui me manque, c'est-à-dire de tout ce qui je désire et qui me tient de ce besoin urgent de m'exprimer, de formuler en phrases plus ou moins convaicantes le toujours trop peu que je ressens et de le fixer sur un papier, pénétré que je suis de l'idée qu'une muse est nécessairement une morte, une inaccesible ou une absente, que l'édifice poétique -semblable à un canon qui n'est qu'un trou avec de bronze autour- ne saurait reposer que sur ce qu'on n'a pas, et qu'il ne peut, tout compte fait, s'agir d'écrire que pour combler un vide ou tout au moins situer, par rapport à la partie la plus lucide de nous-même, le lieu ou bée cet incommensurable abîme.

.(les caratères gras sont miens)

L'âge d'homme, cap. VII. Michel Leiris. Gallimard, 1939
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Je pouvais souscrire le 90% de ces réflexions. Sauf peut-être cette inclination vers la méchanceté autodestructive -et aliénante de l'autre-. Ma tendance autodestructive, mon élan vers le propre tanatos, est plus d'origine lucide, de manque d'une vraie capacité pour l'autotromperie. Moi, j'ai donc plus besoin de la masque, mais non parce que je ne me supporte moi-même, mais parce que sans un rôle que jouer je me sens déporvu d'élan vital.
C'est la raison, aussi, de la recherche de l'ivresse -quoi qu'il en soit- pour supporter une existence absurde et sans secrets; au moins nous pouvons sortir dehors nous-mêmes, de cette étroite prison de chair et d'os qui nous contient, pour jouer à nous sentir comme dieux et contempler le monde, l'universe, la vie, l'existence entière, comme une prolongation de notre propre sustance.
L'expérience de la beauté -l'ivresse du beau-, en étant notre meilleur preuve du divin, devient donc indispensable et nécessaire.
Uff!!
En ce qui concerne à la réflexion sur la muse et la nécessité d'exprimer l'absence ou la manque, plus rien à dire, il donne dans le mille.
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