Saturday, May 12, 2007

La chute


Elle regardait ces corps de lignes voluptueuses étendus au soleil, caressées doucement par la brise marine, embrassés par les regards excités des paillards et par les yeux luxurieux des affamés du fin de semaine.
Ces formes parfaites, ces courbes attractives, cette peau bronzée d'un lustre satiné ou la blancheur distinguée et suggestive des peaux septentrionales...
Et à son côté, ces autres corps musclés, alléchants et appetisants des garçons aux allures de satyres libidineux ou pollisons effrontés...
Mon Dieu! Quel plaisir pour son avide regard! Quelle frustration pour son désir perpétuellement insatisfait!
Ces derniers années, lorsque les printemps et les étes revenaient, lui arrivait la même chose: elle contemplait la vie bouillonner autour de soi et sentait ce réveil de la nature, mais son corps était échoué comme un batteau sur la plage, amorphe, doué d'une vie absent, étranger, exilé.
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Dépuis six ans, à l'arrivée du beau temps, tous les matins Elle sortait à la terrasse de son bungalow face à la mer. L'inséparable Goliath transportait son corps inerte dans ses bras et la plaçait sur la chaise longue. Là Elle restait pendant trois ou quatre heures, regardant, essayant de sentir le soleil sur la peau sans l'atteindre, en se souvenant des jours heureux qui précédèrent à l'accident... quand tous les après-midi galopait sur Orgueilleux et le bonheur frappait à sa porte... Un trou caché dans le gazon changerai sa vie à tout jamais.

.Maintenant, son cerveau était le seul intermediaire entre elle et la vie. Toute sa sensibilité se limitait à ses émotions, à ses sentiments, pas de sensations. La vie pénetrait dans son cerveau à travers de son regard et de son ouïe. Elle n'était qu'un simple sujet pasive dont l'activité se réduisait aux legèrs mouvements de ses beaux yeux en amandes.
Maintenant, l'univers était à son intérieur et elle le reconstruisait jour après jour avec des souvenirs, des images et des sons.

Elle se demandait souvent si être un esprit pur était quelque chose comme ça...
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